9 décembre 2009

Dans le bureau de ma mère il y a ...

...un meuble, avec des tiroirs.

Dans le deuxième tiroir en partant du bas il y a une enveloppe craft au format A4. Un peu usée sur les bords mais encore craquante.

Dans cette enveloppe on y trouve un passeport qui n'est plus valable depuis longtemps, toutes les pages sauf 2 sont pleines. Le dernier visa est un visa pour la Malaisie.

Dans cette enveloppe on y trouve un portefeuille en cuir marron de marque Cartier. Quelques cartes de visites avec une photo au nom de son propriétaire. Quelques cartes de visite récoltées au gré des gens rencontrés. Deux cartes de payement, mastercard et visa, quelques cartes militaires aussi. On y trouve aussi des tickets bancaires, effacés depuis longtemps.

Dans cette enveloppe, on y trouve aussi une montre de marque Citizen, dont le verre est cassé. Une montre en or peut être. Une montre à aiguille. Une des aiguilles n'est plus fixée, impossible de savoir à quelle heure la montre s'est arrêtée.

Dans cette enveloppe on y trouve une alliance, une alliance en mauvais or, une alliance fait de métal tressé, qui vient d'Afrique. Une alliance déformée.

Dans cette enveloppe, on y trouve des lettres envoyés par des amis, des cartes de correspondance signées par des généraux, des cartes signées par des enfants, tous ces bouts de papiers n'ont qu'un seul point commun, ils portent tous ces mêmes mots: toutes mes condoléances.

Dans cette enveloppe se trouve un registre de condoléances.

Cette enveloppe je l'ai ouverte bien des fois. Profitant que ma mère soit au travail, l'ouvrant comme on ouvre un coffre secret, délicatement, avec attention, j'ai ouvert le portefeuille, lu et relus les cartes de visite, appris par coeur les différents pays dont les visas ornent les pages du passeport. J'ai lu les cartes, j'ai lu les noms de ceux qui avaient signé, à la recherche d'un souvenir. J'ai regardé la montre, je l'ai soupesée, me disant qu'il fallait être un homme fort pour porter ce genre de montre. J'ai pris l'alliance en main, j'en ai appris les formes, gardant en mémoire pour toujours cette image et refusant de me représenter comment le doigt qui l'avait porté avait souffert pour que l'alliance soit déformée à ce point.

Cette enveloppe je l'ai remise à chaque fois dans ce tiroir dans la même position que celle ou je l'avais trouvé. Pour ne pas que ma mère découvre ce que j'avais fait.

Et à chaque fois, j'étais heureuse de l'avoir ouverte, heureuse d'avoir passé quelques instants avec mon père.

J'ai 33 ans maintenant, et cette enveloppe reste l'un des souvenirs les plus fort que je n'aurais jamais de mon père.

Un jour je la mettrais dans un tiroir de mon bureau.